Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Cage Aux Cochons
22 octobre 2012

Quand les cochons sortent - 27

Je cours après Violette. Je ne me suis jamais senti aussi vivant. J’ai touché le fond de manière voluptueuse, moi Gustave, mais grâce à Violette (merci ! tu es revenue) je rebondis, c’est maintenant ou jamais –voilà ça devait se passer comme ça, l’ordonnancement des planètes, les astres, les forces cosmiques, tous se chamboulent pour nous donner un sens, tout à un sens maintenant Violette.

Je m’appelle Gustave. Il y a sept mois je suis devenu fou. Et aujourd’hui je cours après la femme de ma vie, l’unique, la seule. Je suis fou, et alors ? Tout le monde et fou, la boulangère en bas de chez moi est folle, le buraliste est fou, les cochons sont fous, le postier est fou, mon voisin est fou, Barak Obama est fou, le monde entier est une vaste névrose dans lequel nous nous lavons tous de la folie des autres, quand je lève la tête je ne vois que folie, les immeubles, les avions, les couleurs, les mots, les pensées « quand je pense, je suis le maître de mes maux » je me dit et je rigole, je suis fou, Violette attends moi, pardonne moi, j’aimerais gouter à ta folie, partage là avec moi, je te montrerai la mienne, prisme d’argent enfouie dans le creux de mes mains, sombrons tous les deux dans ce bain de névroses inavouées, toi et moi, ôtons le masque de la schizophrénie ambiante, cette mascarade, ôtons cette camisole sociale, névroses, passions, folies, Violette pardonne moi, les autres je m’en fous, mais toi, non, ce n’est pas pareil, pardonne moi, la vie ne continue pas de la même manière sans toi, ce n’est pas pareil, tout se barre à la vitesse de l’éclair, regarde moi, tout part en couille, le monde s’écroule mais si tu me regarde alors tout ira mieux, j’en suis sur Violette.

Plus je cours et plus je la vois proche de moi, pauvre petit être, je peux sentir ses larmes s’écraser sur mon visage, (mais sait-elle au moins que je la suis ?) Violette attends moi c’est maintenant ou jamais, je le pense fort, je ne peux pas crier en même temps, sinon je vais avoir une pointe de côté, je le sais parce que je cours aussi souvent que le ferais une truite égarée dans la jungle, c’est vous dire (et si une truite se met à courir et à crier en même temps elle aura une pointe de côté, je l’ai vu sur Disney Channel une nuit). Donc je le pense très fort Violette arrête toi, Violette, arrête toi, Violette c’est maintenant ou jamais.

Et Violette s’arrête. Net. Au milieu du trottoir, sous un lampadaire. Si on ne voyait pas le lampadaire, on pourrait penser qu’elle éclaire les profondeurs les plus ténébreuses. Mais on le voit, le lampadaire, alors ça ne sert à rien de le dire, et Violette s’arrête net, sous le lampadaire. Mais elle ne se retourne pas (j’espère que c’est bien Violette quand même). Je ne sais pas pourquoi mais on a l’impression qu’elle est figée, comme si le temps s’était arrêté. Du coup je ne bouge pas non plus (ça m’arrange, je l’avoue, même une truite russe dopée aux hormones de taureaux à besoin de repos après une course comme celle là). Cela semble durer une éternité. Je me suis arrêté. A quelques mètres de Violette. Si prés du but Gustave.

Puis, le temps reprend son emprise aussi soudainement qu’il s’était arrêté. Violette. Deux pas en arrière. Sans se retourner. Et, elle se remet à courir (ho non) mais elle tourne directement sur sa gauche, dans une ruelle perpendiculaire. Je commence à lui emboîter le pas et… je m’arrête net.

En face de moi avancent quatre hommes. Enfin je ne sais pas si ce sont des hommes ou des gros ours ((des grizzlis) ils ne sont pas tout à fait dans la lumière du lampadaire)). Et puis d’un coup je les vois un peu mieux. La seule différence notable avec des grizzlis c’est qu’ils sont chauves (enfin rasé, le crâne tout du moins, le reste je ne sais pas, nous ne sommes pas si intimes, on se connait à peine). Sinon tout pareil, deux mètres de large sur deux mètres de haut (pour le plus petit, l’ourson). Et des tee shirts avec des croix gammées et des inscriptions du style Burn the Jews (c’est ça qui a du me mettre la puce à l’oreille, c’est quand même rare de croiser des grizzlis néo-nazis dans les rues de Paris, la nuit) ( je me mets à haïr ma maîtresse qui m’a appris l’anglais quand j’étais petit, car si je n’avais pas su ce que ça voulait dire j’aurais pu passer mon chemin innocent et ignare (mais  ô combien heureux de l’être) comme si j’avais lu ‘jesus loves you’ mais là je comprends ce qu’il y a écrit, non c’est vrai alors que sinon j’aurais aussi pu engager la conversation avec eux, peut être qu’ils ne sont pas méchants me serai-je dit (toujours engoncer dans ma tiède et douce inculture), Mère Nature n’est pas clémente avec tout le monde, c’est vrai, mais ça n’est pas une raison pour être méchant et, pourquoi pas ne pas partager une cigarette entre nous (oui prenez mon paquet mon brave, en gentlemen on peut s’aider), éviter les sujets qui fâchent comme la géopolitique et la religion, et se quitter comme ça, merci messieurs, bonne soirée au revoir, merci, et non au lieu de ça, quand on voit burn the Jews sur un tee shirt et bien tout de suite ça instaure une gêne un peu pesante, surtout qu’il ne l’a surement pas acheter au monoprix sans savoir ce qu’il y a écrit dessus (ça a beau être un ourson, je ne suis pas né de la dernière pluie) donc je reste là à regarder son tee shirt et ça me dérange alors oui Miss Baumais (c’est le nom de ma maitresse) je vous déteste et j’aimerais que vous soyez à ma place, je n’avais rien demandé moi).

Le plus grand (on n’est pas à un poil de cul près) me regarde :

« Hé les gars regardez une grosse tarlouze, elle a des habits de pédé on va casser du pédé ho oui »

Je me demande ce qu’aurais fait la petite truite égarée dans sa jungle…

Et j’entends une voix derrière moi, au bout de la rue qui me crie « cours Gaston ! COURS !! »

Et quand j’entends cette voix, moi, petite truite désorientée, je me retourne histoire de  vérifier que c’est bien Eve (Eve, tu m’as suivi ?), au loin (ce n’est pas comme si on avait passé la journée ensemble, mais une truite a une petite mémoire et n’est pas toujours logique, admettons le). Et quand je me reretourne j’aperçois le poing d’Ourson qui m’arrive droit en plein visage. Je tombe par terre, et sens encore quelques coups de pieds dans les côtes avant de perdre connaissance.

Publicité
Commentaires
La Cage Aux Cochons
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 472
Publicité