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La Cage Aux Cochons
20 novembre 2012

Quand les cochons sortent - 37

Qu'est-ce que je disais, déjà ? Ah oui... Le donneur compatible ! Un homme s'était présenté à l'accueil, en ce Mardi d'il y a sept mois. Gaspard s'appelait-il. Ah... Gaspard ! Il se présenta comme étant le fils de mon grand-père. Il aurait pu être un oncle, ou encore même une vieille tante égarée, mais non, c'était mon père. Cet homme qui maintenant venait m'offrir son rein était celui qui m'avait abandonné des années auparavant, préférant les délires éthiliques aux joies de la vie de famille, des couches et de la morve au nez. Pourtant, je me souviens, quand j'étais petit, sa morve à lui coulait tout le temps de son nez, surtout le soir quand son appendice nasal était bien rouge. Il s'essuyait avec sa manche, à grands renforts de bruit, comme si cela aidait. Et puis, des couches, il aurait mieux fait d'en mettre lorsqu'il décidait de dormir sur le sol de la cuisine parce qu'il trouvait que la chambre avait été construite trop loin.

Non, non merci, que je leur dis, son rein je n'en veux pas.

" - Mais monsieur, on ne vous demande pas votre avis. Et puis, vous avez vu tout ce que vous coûtez ?"

A ce moment là, ils me montrèrent du doigt le petit compteur qu'ils avaient placé à côté de ma perfusion pour que je vois l'argent que je coûtais au contribuable. Je ne me souviens plus du nombre mais il y avait pas mal de chiffres. Ah ! Ce compteur, si j'avais pu le mettre quelque part dans l'anatomie des médecins, je ne pense pas que je m'en serais privé. Mais je ne pense pas que j'aurai pu... Ils ne doivent pas être faits comme nous, ces gens, qui tentent de soigner les autres à grands renforts de sermont et de mépris. Je doute que j'aurai pu trouver cette partie de leur corps, celle que je cherchais.

" - Monsieur, vous savez que ce sont des gens comme moi qui payent le fait que vous êtes là ?"

Je lui répondis que c'était des gens comme moi, les malades, qui faisait qu'il était là et qu'il était payé, mais mon argument ne porta pas, je ne sais pas pourquoi. Sans doute devait-il avoir l'esprit occupé par sa voiture ou sa partie de golf, passée ou future.

" - Ressaisissez-vous enfin ! Votre père essaie de racheter ses fautes. Il comprends qu'il a mal agit, vous devez lui accorder une chance ! Vous vous rendez compte qu'il risque sa vie pour sauver la vôtre ! Y a-t-il un geste plus fort ?"

Il faut dire ce qui est, il avait une argumentation pertinente. Ses parties de golf avec ses amis politiciens devaient porter leurs fruits.

" - Laissez-le au moins entrer qu'il puisse vous parler, s'expliquer."

Etant cloué au lit, je ne pouvais ni fermer ni bloquer la porte alors ce dernier argument eu raison de ma conviction.

Mon père entra peu de temps après. Il avait l'air plus en forme que la dernière fois que je l'avais vu, mais je ne me souviens pas vraiment de quand c'était, ni comment, ni pourquoi. En tout cas, il avait presque l'air plus jeune que dans les photos que m'avait montré mon grand-père.

" - J'ai arrêté de boire," commença-t-il. En même temps, un bonjour, après tant d'années, aurait fait désordre. "Je ne suis plus le même homme et je sais que je ne pourrai pas rattraper mes erreurs. Elles sont trop nombreuses, et il est trop tard. Mais il faut tout de même que je t'explique, je te dois bien cela."

Il prit longue inspiration et commença. Il commença à tout me dire, un peu comme je fais en ce moment.

" - Vois-tu, si j'ai été souvent ivre durant ton enfance, c'est parce que j'avais été choisi par la NASA pour participer à un programme très spéciale. Ils se demandaient si l'alcool était un bon moyen pour supporter les 3 mois d'enfermements nécessaires à un voyage sur Mars. Ils avaient besoin de cobayes et ils ont fait appel à moi parce que j'avais gagné un concours de bière à l'âge quinze ans et un concours de vodka à vingt. Ils m'ont donc étudié, m'obligeant à boire, encore et encore jusqu'à n'avoir soif de rien, pas même de vivre...  Ce programme je devais le quitter, il en allait de ma vie, je ne pouvais plus continuer ainsi. Seulement j'étais lié par contrat à ces gens-là, et on ne rompt pas un contrat avec ces gens-là, surtout pas d'un claquement de doigt. Je dus fuire. Le FBI se lança alors à mes trousses et je ne connus pas de repos. Je fus sans domicile fixe, me refusant toute nouvelle attache, parce que c'est ainsi qu'ils nous retrouvent. De la même manière, je ne pouvais pas prendre de nouvelles où ils m'auraient trouvé. Je devais disparaître, disparaître tout à fait, je n'avais plus le choix. Tu comprends ?"

Je n'étais pas sûr de comprendre, pas sûr d'avoir bien compris. Etait-ce encore les délires liés à la morphine ? Est-ce que mon père était fou ? Je ne savais pas, je n'étais sûr de rien, tout était devant moi comme les trains de la gare, lents mais pourtant trop rapides pour que je les prenne au passage. Le bruit des divers appareils autour de moi m'empêchait de me concentrer. Je n'arrivais pas à prendre du recul, depuis trop longtemps allongé sur ce lit d'hôpital, engoncé dans des draps trop serrés dont la propreté laissait à douter. Mon esprit était à l'étroit, enfermé dans une cage de morphine. Il fallait que je me libère. Le médecin avait raison, cela ne pouvait pas durer.

Je me souviens d'avoir bredouiller mon accord pour l'intervention et de sombrer ensuite dans le sommeil. A mon réveil, on m'avait opéré.

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