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La Cage Aux Cochons
15 novembre 2012

Quand les cochons sortent - 36

Eve, Violette. Violette, Eve....

Gustave, que tu es bête, elles se connaissent déjà. C'est là tout le drame d'ailleurs.

Alors que dire, que faire ? Telle est la question...  Commence par arrêter de rire et à quitter les bras de Violette, ce serait déjà mieux pour Eve, en espérant que cela ne décevra pas Violette, non, parce que tu ne veux surtout pas la décevoir, hein Gustave. Comment ne pas faire souffrir l'une, l'autre, ou les 2 ?

Bon, prends ton courage à deux mains sans remettre à demain ce moment important. Prends ton courage Gustave, pour une fois et ne le lâche pas en cours de route.

Allez, j'y vais, je me lance... Les filles, il faut que je vous dise. Il y a sept mois environ j'ai un peu perdu l'esprit.

"Un peu", Gustave, tu es le roi des euphémismes, c'est vrai comment peux-tu dire "un peu". Sans doute puis-je le dire justement parce que je suis fou, cela me confère quelque liberté, notamment avec la vérité.

En tout cas, c'est le genre de phrases chocs qui captent un auditoire. Les deux jeunes femmes me regardent, leurs yeux grand ouvert, leurs lèvres inférieures effleurant à peine leurs lèvres supérieures.

Allez, je poursuis, les chevaux sont lancés. Oui, il y a sept mois, j'ai eu un accident, un accident de trottinette. J'ai traversé la rue un peu rapidement ou le camion a oublié la présence du feu rouge, ou des papillons rendaient la visibilité nulle, je ne sais plus, le traumatisme vous comprenez ? Bien sûr vous comprenez. Ce qui est sûr en revanche, c'est que cela m'a conduit à l'hôpital. Là-bas, j'ai eu une période de comas. Ce n'était pas la partie la moins agréable, je ne me souviens pas avoir souffert. Le temps que j'y suis resté, je ne sais pas, je ne sais plus, ne veux plus savoir.

A mon réveil, je me souviens de cette machine au bruit infernal. Je me souviens que c'est la douleur qui m'a réveillé, la douleur ou le boucan de cette machine de l'enfer. Je ne sais plus si j'ai crié ou hurlé. En tout cas, une infirmière accourue, me demanda de me calmer. Mais déjà, la folie entrait insidieusement dans mon être. Me calmer je ne pu, qu'à grands renforts de morphine.

Je ne sais pas si ce que l'on m'expliqua alors était un délire ou la stricte vérité. Parfois j'aimerai l'un, parfois je souhaiterai l'autre.

" - Cette machine, monsieur, sers à prendre la place de vos reins. Le premier de ces derniers a été emporté par un vautour qui survolait le lieu de l'accident. Avide de chair fraîche, il n'a pas perdu son temps pour vous entailler le ventre et ce nourir ainsi de l'un de vos organes. Heureusement qu'une vieille dame l'a repoussé avec son sac à main, sinon il y a fort à parier que le volatile ne se serait pas arrêté à cet organe. [...]"

Sur mon ventre, j'avais alors une grande cicatrice, laissée par l'assaillant à plume. Elle a presque disparue aujourd'hui mais on y devine encore ce qui doit être une trace de bec ou une marque de serre.

"[...] Votre deuxième rein, quant à lui, a préféré prendre la fuite, sans doute effrayé de devoir assumer seul vos délires alcooliques."

Je le comprenais, moi, ce deuxième rein. S'il n'avait été noyé sous la drogue fournise par l'hôpital, sans doute que mon foie aurait suivit le même chemin.

Le temps passa et l'on me demanda si l'on voulait bien que je me débranche. On me dit que je devais à la décence de le faire moi-même, vu ce que je coûtais au contribuable, contribuable que je n'avais jamais vraiment été, moi résultat de l'assistanat. Il ne leur apparaissait pas que j'ai pu contribué d'une quelconque manière à améliorer la société. Mes souvenirs, momentanément partis, sans doute avec mon deuxième rein, ne m'aidèrent pas à trouver les arguments qui auraient pu leur faire changer d'avis. En tout cas, personnellement, je n'étais sûr de rien, donc dans le doute je préférais rester en vie, le deuxième choix me semblant trop irrévovable si jamais je m'apercevais que cela était une erreur.

J'attendais donc patiemment que la mort me prenne ou qu'un rein vienne à moi. Je fis les petites annonces. Pendant un moment, j'écrivais des messages mis dans des bouteilles que je lançais par la fenêtre de ma chambre. On me demanda gentiment d'arrêter après que quelqu'un en reçut une sur le crâne. Je passais donc mes journées entre dormir, rêver, attendre et parfois le tout se mélangeait à cause des drogues et des délires qu'elles engendraient.

Un jour, un donneur potentiel se fit connaître. Il avait été alerté par mes appels à la presse. En fait, l'homme qui avait reçut ma bouteille sur la tête était journaliste. Lorsqu'il fut lui-même sorti de l'hôpital, il parla de moi dans son journal. Apparemment, il était assez connu, ou quelqu'un l'était dans son entourage. En tout cas, beacoup de gens se présentèrent. Les médecins croulaient sous l'avalanche des tests à réaliser, ce qui avait pour effet d'augmenter leur ressentiment à mon égard. Certains jours, je crois qu'ils "oubliaient" de me nourir, mais c'est peut-être moi qui oubliais de me réveiller. Ils renoncèrent à prendre toutes les candidatures et se concentrèrent sur celles qui leur semblaient "sérieuses". C'est ainsi qu'ils découvirent le donneur idéal. C'était un de ces donneurs qui a toute la chance d'être compatible parce qu'il partage quelque chose avec le patient. En l'occurence, ce que nous avons un commun est une partie de notre code génétique. Non pas que nous avons la garde alternée d'un fragment de notre ADN, mais disons qu'une moitié est identique à l'autre. Enfin pas vraiment, je ne veux pas dire que j'ai deux moitiés d'un même code génétique, cela voudrait dire que mes parents ne sont qu'un, non ? Et cela, ce doit être impossible ou complètement malsain ou les deux. Ce que je voulais dire c'est qu'une moitié du code génétique du donneur était identique à une moitié du mien, enfin vous me comprenez j'espère ?

Les deux femmes hochèrent de la tête, elles comprenaient. Leur bouche s'était agrandie, une mouche aurait pu y entrer. Ne serait-ce d'ailleurs pas un papillon qui entre dans la bouche d'Eve ?

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