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La Cage Aux Cochons
9 septembre 2012

Quand les cochons sortent - 13

"- Gustave, il est temps de te bouger, tu ne peux pas laisser Violette dans l'ignorance sans rien lui dire, sans rien faire, elle qui a été si douce et belle avec toi. Si au moins tu étais partie loin de cette ville, tu aurais une excuse pour l'avoir quittée, mais c'est loin d'être le cas. Tu ne fais que te lamenter dans les rues de Paris, à te poser je ne sais quelles questions alors que tu sais bien que c'est elle la réponse. Non Gustave, si ce n'est ton immense bêtise, rien ne pourrait combler le non-sens de ton inaction. Tu te dois d'intervenir dans ta vie Gustave et tu ne dois pas perdre de temps !"

Je me réveillai comme si j'avais reçu une claque. Il faut dire que ce n'est pas tous les jours que Freud en personne vous prodigue quelque conseil. Et puis il utilisait son petit ton impérieux que nous lui connaissons bien. En tout cas, tout cela en imposait, tout comme la pertinence de ses propos. Impossible de dormir plus longtemps dans ses conditions.

Pourquoi est-ce que je dormais déjà ? Il fait encore jour en plus, mon réveil semble indiquer qu'il est n'est que huit heure du soir. Ca fait tôt pour dormir, même pour moi qui ne suis pourtant pas le plus grand couche tard qui soit. Ah oui, je me souviens ! j'étais trop fatigué d'avoir si réfléchi et d'avoir tant marché, et puis il est fatiguant d'être triste, tout comme il est usant d'avoir le poids du monde sur son dos, d'autant plus lorsque ce monde vous paraît un océan de larmes. Maintenant me voilà réveillé et je dois dissiper cette tristesse pour retrouver Violette et lui expliquer tout ce qu'elle représente pour moi.

Merci monsieur Sigmund d'avoir pris de votre temps pour me prodiguer votre avis sur la manière de mener ma vie. Merci d'avoir, pour le bien de mon existence, daigner réaliser l'exploit de vous introduire dans mes rêves. Dommage que vous ne vous soyez manifesté que si tard. Sur ce coup, vous avez un train de retard, si je puis me permettre de parler de nouveaux de ces engins ferrés, terreau de toutes mes aspirations et source de tous mes problèmes. Dans tous les cas, j'aimerai que la prochaine fois, s'il doit y en avoir une, vous essayez de vous manifester en temps et en heure. Si vous m'aviez prévenu la veille, peut-être qu'en retournant chez elle ce matin plutôt que cet après-midi comme je l'ai fais, peut-être serais-je tombé sur le sourire de Violette et non sur un appartement vide de tout contenu.

Violette, pourquoi es-tu partie ? Je reconnais volontiers mon erreur, ne pourrions-nous pas passer outre tout simplement ? Ton appartement est maintenant aussi vide que ma vie loin de toi. Nous n'avons passer que trop peu de temps ensemble, l'éternité ce n'est pas si long finalement.

A un moment, en voyant ce désert qui selon moi avait été ton logement,  je dois bien admettre que j'ai eu peur de t'avoir seulement rêvé... D'autant plus qu'il me semblait impossible d'avoir réussi à vider aussi rapidement les deux trois trucs contenus dans ton appartement. Heureusement que j'ai croisé une voisine dans ton couloir.

" - Pas la peine de frapper aussi fort à ma porte, monsieur, d'autant plus après que je vous ai dit que j'allais vous ouvrir. Vous rechercher Mlle Lilas c'est cela ? Et bien, elle est partie ce matin, elle m'a dit qu'elle était partie pour un certain Gustave et qu'elle ne savait pas quand elle rentrerait, peut-être jamais."

Elle était partie à cause de moi. Je peux la comprendre. Je lui avais dit des choses, en avais fait d'autres, rien de bien cohérent comme d'habitude, parce que je suis fou, et c'est sans doute encore plus vrai désormais. Mais Sigmund a raison, il faut que je sorte pour la retrouver et je ne dois pas perdre de temps.

Ma première destination est évidemment le premier lieu de notre rencontre.

" - Ah oui, j'te r'connais, t'es le gars d'hier soir, celui qui dansait sur les tables... entre autre. T'as dû avoir sacrément mal au crâne ce matin, non ?"

Je ne savais pas s'il faisait allusion à ma grande consommation d'alcool ou à mon altercation avec un inconnu. D'ailleurs, n'était-ce pas ce si gentil barman qui m'avait expulsé la veille ? Peu importe, je lui annonce que oui oui, j'ai mal à la tête et m'excuse de tout ce que j'aurai pu faire qui aurait pu nuire à lui, son établissement, ou ses clients.

" - Pas de problèmes, on fait tous des erreurs. En parlant d'erreur, c'est quoi cet accoutrement ? Enfin bon, chacun fait comme il veut, qu'est-ce que je te sers ?"

Attention - me dis-je avec une voix grave, caverneuse, pour m'impressionner - car le chagrin peut se noyer dans l'alcool paraît-il, et ce pourrait être une solution bien tentante. Mais j'ai tout de même quelques doutes quant à son efficacité, ayant déjà plusieurs fois essayé avec d'autres liquides, comme de l'eau ou de l'huile pour ne citer qu'eux. Je crois que le chagrin est insubmersible, qu'il flotte tout simplement quoi qu'il arrive et reste à la surface de tous les sentiments. En tout cas, puisque les bars sont plein de substances alcooliques, et celui-ci peut-être encore plus que les autres, l'attrait peut être grand pour moi de tenter une nouvelle fois la noyade chagrinale, mais je ne veux pas perdre ce temps qui m'est précieux. Je lui dis donc que je ne veux pas boire mais seulement avoir des réponses.

" - Ecoute, les histoires de cul, c'est pas mon problème, si cette fille ne veut plus te voir, c'est son choix, moi j'veux pas être mêlé à vos histoires."

J'ai beau lui expliquer qu'entre Violette et moi ce n'est pas qu'une simple relation se limitant à la partie fessière de notre anatomie mais le bougre ne veut pas comprendre davantage.

" - Bon, maintenant il va falloir consommer ou partir."

Deux choses m'orientent vers la deuxième solution : tout d'abord, je me demande de plus en plus si ce n'est pas de la faute de ce barman hier que j'ai eu une altercation avec le trottoir puis avec ma trottinette, et puis, tout le monde dans le bar semble me regarder étrangement, on me montre du doigt, ce n'est pas très plaisant. Mais il faut bien que j'obtienne certaines informations de ce barman. Que connais-je de Violette ? Finalement peu de choses. Peut-être que si je commande un truc, cela va-t'il lui délier la langue, même si je ne vois pas de noeuds dans sa bouche. Je finis donc par commander un double whisky. Pourquoi cela ? Parce que c'est ce que commande toujours les vrais hommes dans les western et que je veux me sentir aussi fort et aussi sûr de moi qu'ils le sont.

Un homme viens vers moi. Il doit avoir un problème dans les jambes, puisqu'il ne marche pas droit, à moins qu'il ait décidé de se distinguer par une démarche inhabituel. Il me parcoure de ses yeux de la tête aux pieds et dit :

" - Hey toi t'es pas banal !"

Il fait visiblement des efforts pour se maintenir droit et ne pas loucher. De mon côté, je lui dis bonjour, un peu déconcerté par sa manière d'engager si abruptement la conversation, et le remercie pour ce qui me semble être un compliment même si je n'en suis pas sûr.

" - T'as parlé de Violet' d'tal'heure ?"

Il semble avoir également quelques problèmes d'élocution. Je lui réponds qu'effectivement je la cherchais et demande, avide, s'il la connait et s'il a des nouvelles d'elle.

" - J'tais son patron. C'te grosse pute m'a laissée tomber hier soir. Et pis aujourd'hui, je m'suis pointé chez elle histoire d'lui r'filer son dernier chèque et pis essayer une dernièr'fois d'me la taper et el'tait plu là c'te conne ! Bon au moins ca fera un mois de salair gratos pour moi."

Mon sang ne fait qu'un tour et je ne deviens plus maître de mes actes.

Peu de temps après me voici de nouveau sur le trottoir. Cette fois c'est sûr c'est le barman qui m'a projeté dans la rue.

Je me regarde pour voir si tout va bien. Enfin, je regarde mon petit bedon mes pieds et mes bras, ce sont les seuls éléments que j'arrive à voir d'où je suis. Je me rends compte qu'il y a du sang sur mon pyjama (tiens ! j'ai dû oublier de me changer !). Il est tout tâché maintenant. Dommage, c'était celui avec le petit âne sur le devant, mon préféré. La bonne nouvelle c'est que ce n'est pas mon sang, comme me le révêle un rapide examen. A l'intérieur du bar, je vois le gars qui tient son nez couvert de sang, sans doute craint-il qu'il tombe. Je ne le plains pas, j'espèrerai presque qu'il tombe effectivement car je suis en colère, quadruplement parce que le whisky double la colère et que j'ai eu le temps de finir mon verre avant de le jeter à la figure de ce type qui avait causé hier soir un grand désarroi à ma douce Violette.

Mais ma colère ne sert à rien car je n'ai pas plus de nouvelle. Où est-elle ? Et où chercher pour trouver la réponse ?

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