Quand les cochons sortent - 9

Hop c'est fait !

Il nous arrive parfois de faire des choses ainsi, sans même y avoir réfléchi, comme si notre corps avait décidé de prendre l'initiative, de s'affranchir de notre cerveau pour prendre des décisions de son propre chef. Il y a des fois comme cela où l'on regarde ce que l'on vient de réaliser en se demandant pourquoi. On observe ces actions en tentant de les comprendre, mais c'est impossible : à nous-mêmes ces actions semblent insensées. On ne peut alors expliquer ce qui nous est arrivé mais on ne peut nier ce qui a été accompli. Parfois, on en vient à en vouloir à ce quelqu'un qui a pris contrôle de nos gestes, mais le fait est qu'on ne peut s'en vouloir qu'à nous-mêmes.

Ces choses-là m'arrivent parfois, j'accuse alors ma folie du désastre qui en découle. Mais parfois aussi je me dis qu'elle a bon dos cette folie... Finalement, je ne sais pas ce qui se passe dans la tête des autres, je ne peux donc pas réellement savoir si leurs pensées sont différentes des miennes. Peut-être que de telles choses arrivent chez les autres aussi ? Peut-être est-cela ma folie : penser que je suis en marge, quelqu'un de différent et pourtant totalement similaire à la majorité de mes congénères ?

En tout cas, une chose est sure, s'il m'arrive parfois d'agir de manière incohérente, c'est de façon plus réfléchie que je suis parti de l'appartement de Violette. Ce n'est pas pour autant que je ne le regrettrai pas, je le sais, peut-être le regrette-je déjà... Ah ! qu'il était doux ce moment que nous avons partagé ! Nous nous embrassions, je lui disais des mots doux dont elle semblait avide. Je me suis senti éloquent pour une fois, cela ne m'arrivait habituellement qu'en parlant aux lapins bleus en bas de chez moi. A les lapins bleus ! Cela me rappelle ma vie d'avant : qu'elle me semble loin cette vie que je viens pourtant de quitter !

Que s'est-il passé entre temps ?

C'est la question que je me pose alors que je regarde le délicat visage de Violette.

Et alors que je regarde derrière elle, je vois ce qui m'a amené à la rencontrer : ma décision de découvrir le monde.

Et alors que je regarde son visage, offert à mes baisers, je me dis que c'est ce que je souhaite pour l'éternité.

Et alors que je regarde derrière elle, je vois ma décision de découvrir la vérité de l'existence.

Je me dit alors que l'éternité c'est beau, mais que ce qui compte pour moi aujourd'hui, c'est le présent. J'ai la désagréable sensation que cette éternité est en train d'étouffer mon présent. Peut-être est-ce cela que certains appelle la peur de l'engagement, je ne sais pas... De mon côté, je préfère penser que certaines choses doivent être accomplies avant d'atteindre le bonheur éternel. Quelque chose en moi n'est pas encore prêt pour cette éternité. 

Et alors que je regarde son visage, les yeux fermés, je me désole de dévoir la faire souffrir. Ne pleure pas Violette, nos chemins se croiseront de nouveau j'en suis sûr. Un jour je serai prêt pour cette éternité, Violette, et je reviendrai. Peut-être tes propres choix t'auront emmèné vers une autre vie, voir les petits lapins bleus par exemple, ou chasser les papillons blancs dans une contrée lointaine.

Et alors que je regarde ton visage, je me dis que je devrai rester à tes côtés pour toujours, pour ne pas risquer de te perdre.

Et alors que je regarde derrière toi, je me dis qu'avant de pouvoir faire cela, il faudrait que je me sois trouvé.

Et alors que je regarde derrière elle, je vois ma trottinette, appuyée contre le mur. Je me glisse délicatement hors de la chambre et part à la recherche de mon destin.