Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Cage Aux Cochons
5 septembre 2012

Quand les cochons sortent - 10

Je me réveille la tronche dans le mur. Au sens propre comme au sens figuré.

J’ai mal partout. J’ai soif. Une lumière grise et blafarde me fait mal yeux. Je ne me souviens de rien, des bribes de souvenirs à la rigueur. Réfléchir est une réelle souffrance. Je tente de me relever, sur mes avant-bras mais je flageole… Gustave, je me dis… Je me sens minable.

Douloureusement je regarde autour de moi… les yeux toujours plissés, je reconnais vaguement ma chambre… comment je suis arrivé là ? J’ai dormi avec ma trottinette dans les bras ? J’essaie de me ressasser les événements de la veille, des bribes de souvenirs flous surgissent, mais rien de bien cohérent…

Je rampe, au sens propre comme au sens figuré vers mon lavabo. Après m’être passé la tête sous l’eau j’aperçois mon reflet dans le miroir… Gustave… J’ai les yeux rouges, le teint blafard et tellement mal au crâne que je ne peux même pas secouer la tête pour me montrer mon propre désarroi.

Un silence pesant règne dans mon appartement. Et là, j’entends un rire. Un rire au loin… Violette… Tout me revient… Violette… Dans les méandres de mes délires éthyliques, je revois Violette et son rire m’apaise.

Violette…

Bon, je me dis… Gustave ! Je me lève lentement parce que j’ai mal au dos (mais l’effet théâtral est là, quand même). Gustave ! il faut que les choses changent ! je me dis.

Vouloir changer les choses avec une gueule de bois gargantuesque n’est pas chose aisée (me disait mon pépé), mais bon… 

J’aimerai retourner à la gare pour tenter de clarifier certaines choses, mais je ne peux pas. Le problème c’est que je ne me souviens pas pourquoi je me suis réveillé tout seul chez moi. Que s’est-il passé ? Violette… je me souviens de Violette, Violette cheveux tombants, Violette c’est une commune libre, une beauté libertaire, une pure esthétique défiant les nus de Rubens je ferme les yeux j’ai la tête qui tourne, sentir tes mains contre les miennes, je me souviens l’envie de liberté que j’ai ressenti quand je suis parti, ça y est je me rappelle maintenant pourquoi je suis parti, oh non, des futilités, la liberté c’est de rester avec toi, ton corps, ça c’est la liberté affranchie des règles aliénantes de l’académisme des beaux arts, l’odeur de ton corps un havre de paix dans la folie ambiante, ton sourire rend obsolète celui de Mona Lisa parce qu’il y a bien plus de secrets dans les petits recoins de tes lèvres avant que tu rigoles et ton rire c'est comme naviguer sur une rivière de vin, ton rire il rendrait jaloux le saxophone de Coltrane, sentir tes lèvres contre les miennes c’est comme ritualiser le quotidien par une note de délire lyrique, Violete, rire ou pleurer, je me sens con, je peux me cogner la tête contre les murs Violette, tes mains s’accrochant aux miennes, je sens tous ces petits détails insignifiants de la veille s’écraser sur mon visage, Violette écouter ton rire c’est entendre la pluie qui tombe sur un vitre un soir d’été, c’est une danse chamanique qui ouvrira la porte des merveilles, Violette, quand tu parles c’est comme regarder une cathédrale d’extase, chaque mot sonne comme une variation sur une toile de Monet et moi je suis ivre de silence quand je t’écoute… Violette je me sens minable…

J’aimerai retourner à la gare, puisque c’est là que tout a commencé, mais quelque chose m’y empêche… pourquoi ?  Parce que finalement, il est là mon rêve, il est là dans ces trains, dans cet illusoire départ qui rythme ma vie. Parce que si j’avais regardé entre deux trains,  je t’aurais vu, toi, Violette, souriante, me tendant la main pour me demander de rester avec toi. Parce que quand on a des rêves à un moment on se dit que c’est juste ça qui est beau, le rêve, le vrai, c’est d’avoir des rêves, et au fond, et bien on n’a pas envie de les voir se réaliser parce que c’est ça au final qui donne un sens à tout, c’est d’avoir ce rêve, un truc à soi, à soi tout seul, qui nous donne envie de continuer là tout droit, de courir, d’avancer, d’oublier les échecs et de se relever quand même et on sait que si on arrive à l’avoir et bien après ce sera comme le néant, rien, plus rien, plus rien du tout à quoi se raccrocher, juste  ce petit bout de rêve tout grisâtre là derrière nous, toujours plus loin, on le voit disparaitre dans nos souvenirs, il n’est plus qu’un souvenir, et on se retrouve seul face au vide , à notre vide, alors non, le rêve, le vrai, le plus beau, le plus sincère c’est d’avoir un rêve, sans jamais le réaliser complètement, juste à la fin, et toujours le voir scintiller là haut au dessus de nous pour toujours, pour nous donner l’envie d’aller plus haut, pour toujours. Mon rêve à moi c’est d’imaginer qu’un jour je sauterai dans un train, mais bien sur je le ferai quand je n’aurai plus rien à perdre, quand j’aurais tout perdu, j’attends que le rideau tombe sur la scène, que le rideau rouge vienne clôturer le spectacle, je ne veux pas de rappels, je n’applaudirai pas non plus, j’ai apprécié le spectacle mais je n’applaudirai pas. Et je m’en irai avec le premier train mais ça, cé né pas pour aujourdoui coño, je me dis avec mon accent mexicain qui me fait toujours autant marrer.

Et en attendant d’avoir tout perdu, même si je sais qu’un jour je partirai et bien peut être que c’est d’abord avec toi, dans tes bras, que j’aurais l’insouciante impression de ralentir la chute. Du moins pour un instant, un court instant... Violette, toi et moi… mais je suis tellement con que j’ai l’impression qu’aujourd’hui cela est impossible… ou es tu Violette ? Je pourrais m’excuser dans toutes les langues du monde même celle que l’on a oublié, excuse me, scuse me, undskyld mig, סליחה, scuză-mă, извините меня ,  entschuldigung mich…  mais cela ne suffirait pas, non ?

  J’ai besoin de sortir. J’ai besoin d’air frais. J’ai besoin de me ressaisir. J’ai besoin d’un café.

Publicité
Commentaires
La Cage Aux Cochons
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 474
Publicité