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La Cage Aux Cochons
19 juillet 2012

Quand les cochons sortent - 8

Ce qui est marrant c’est qu’il y a quelques heures encore je m’ennuyais. En fait je ne m’ennuie pas que depuis quelques heures, cela fait longtemps que je m’ennuie. 1 mois, 1 an ? J’ai perdu la notion du temps.

Hier soir je suis sortie avec des copines et je m’ennuyais aussi je crois. Je ne m’en souviens plus très bien. Ça doit se voir que je m’ennuie, mes copines m’appellent de plus en plus rarement. Ça ne me dérange pas, je me sens étrangère à leur monde. Je suis là mais je n’en fais pas partie. Ça ne me dérange pas, non, pas du tout. Ce n’est pas le fait que je vive toute seule qui fait que je m’ennuie. C’est bien plus profond, je crois. J’ai commencé à m’ennuyer avec mon copain, je ne me souviens plus de son prénom. C’est gênant mais ça ne me dérange pas.

Au début, pourtant, c’était bien. Il me plaisait et me disait que j’étais belle. Ça me faisait plaisir. En fait c’était uniquement pour me mettre dans son lit. Et ça a marché. Après il ne me disait plus rien, il se moquait juste de moi, de mes petites rondeurs.

Et je suis restée avec lui, alors qu’il était juste le reflet d’une noirceur profonde. Je suis restée sans savoir pourquoi, peut être pour qu’il me dise encore une fois que j’étais belle. Une dernière fois et après je serais partie. Mais il ne l’a pas fait.

Parfois quand je rentrais il y avait d’autres filles. Combien il y en a eu ? Je ne sais plus. J’oublie beaucoup depuis que je m’ennuie, de plus en plus. Donc quand il y avait des filles je dormais dans le canapé. Le gros, le marron, sous la fenêtre du salon. Je n’avais pas la force de me battre, c’est épuisant de se battre.

Et puis un jour quand même, j’en ai eu marre. Et je suis partie.

J’ai beaucoup pleuré, mais toute seule, oh oui ! Toute seule. Car devant les gens je restais ce que les gens voulaient voir. La petite fille qu’ils avaient toujours cru voir.

 

Après, quand mon patron a su que j’étais célibataire, il a commencé à me sourire. Et à me toucher. Ça a duré un mois. Je suis partie en me disant que tous les mecs sont des salauds. C’est ce à quoi je pensais, avant que Gustave  ne me dise que je suis belle, juste après m’avoir embrassée. Je savais qu’avec lui ce serait différent. Tout serait différent dorénavant avec Gustave et ses petits yeux fous.

 

Nous nous allongeons sur le lit.

Gustave me regarde. Je trouve qu’il a de jolis yeux. Fous mais jolis. Je me demande à quoi ils pensent ces petits yeux fous. Ce que Gustave me dit me touche beaucoup. Je lui demande de m’embrasser encore une fois. Je ferme les yeux et murmure « je suis une princesse endormie depuis longtemps, et il faut que tu m’embrasses encore pour que je me réveille »

Alors je ferme les yeux, et j’attends en me demandant encore une fois à quoi pensent ces petits yeux fous. Je ferme les yeux et j’attends. J’attends, mais Gustave ne fais rien. Je mets ma bouche en cul de poule au cas où il n’aurait pas entendu, je ne sais pas peut être. J’attends encore. 5 minutes, 10 minutes ? Je l’ai déjà dit j’ai perdu la notion du temps.

J’entrouvre les yeux pour voir comment réagit mon petit Gustave. Peut être n’a-t-il jamais lu de contes de fées je me dis.

Gustave n’est pas là.

Gustave n’est plus là.

Gustave a réussi à éviter deux, trois trucs étalés ça et la et, sans un bruit, est parti.

Gustave a oublié de fermer la porte.

J’ai l’étrange impression de me réveiller d’un long cauchemar, quand l’angoisse est encore palpable.

J’ai la sensation que le ciel n’aurait plus jamais la même couleur, le café n’aurait plus jamais cet agréable gout amer, je ne rigolerais plus devant des comédies anglaises, le spleen de Paris me laisserait indifférente, marcher dans les rues ne me soulagerait pas, fumer une cigarette à la terrasse d’un café me semblerait morose, le vin ne me saoulerait plus, les trains iront lentement, les oiseaux auront un cui-cui désagréable, les nuits seront aussi noires que l’angoisse et la vie perdra son gout acidulé.

Je ne sais pas combien de temps je reste là, sur mon lit avec des yeux gros comme des ballons de baudruche rempli d’eau. C’est con comme comparaison parce que je n’ai même pas envie de pleurer. Qu’avais-je fait pour faire fuir Gustave ?

 J’essaie de trouver un point de rationalité auquel m’attacher, un semblant de cohérence dans l’enchainement des événements.

Qu’avais-je fait pour faire fuir Gustave ?

Gustave…

Je voulais juste regarder voler les avions avec toi…

Gustave…

Je continue à regarder ma porte sans comprendre réellement ce qui m’arrive…

Gustave…

Je dois retrouver Gustave, je me dis à moi, Violette, vu que je suis toute seule.

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